La République démocratique du Viêt Nam
Le Nord, qui comprend une région autonome (des Thaïs et des Miaos), se constitue en République démocratique du Viêt Nam, dont le président est Hô Chi Minh et le chef du gouvernement Pham Van Dông. Après l'évacuation de Hanoi par les forces françaises (9 octobre 1954), le gouvernement s'installe dans cette ville, dont il fait sa capitale. Il se heurte aussitôt à l'opposition des populations catholiques, dont une partie seulement peut être évacuée dans le Sud Viêt Nam avec l'aide des forces françaises. Animé par les communistes, qui contrôlent le Lao Dông ou parti des Travailleurs, le nouveau régime, qui instaure au Nord Viêt Nam une démocratie populaire, met en application un plan de trois ans (1954-1957), qui doit réaliser la réforme agraire, la collectivisation des biens et des moyens de production, et l'industrialisation du pays, avec l'aide de l'U.R.S.S., de la Chine et des autres démocraties populaires.
L'échec de la réforme agraire, dû en partie au surpeuplement, à la précipitation et au radicalisme des méthodes, l'arrêt des importations de riz en provenance des deltas du Sud et le rationnement qui en est le résultat provoquent des difficultés dont la responsabilité est rejetée sur Truong Chinh, le premier secrétaire du parti des Travailleurs ; celui-ci est, de ce fait, limogé temporairement au profit de Hô Chi Minh, qui cumule cette fonction avec celle de chef de l'État (29 octobre 1956). Dès lors, la République démocratique du Viêt Nam va poursuivre son évolution politique, et surtout soutenir la lutte, au Sud Viêt Nam, du Front national de libération.
Malgré la mort du président Hô Chi Minh, survenue le 3 septembre 1969, la stabilité politique du pays n'est pas menacée. Si deux remaniements ministériels ont lieu en avril 1974, c'est, semble-t-il, afin de renforcer l'administration pour la reconstruction du pays, désormais objectif principal du gouvernement. Tôn Duc Thang a succédé à Hô Chi Minh. Le pouvoir est partagé entre ceux qui, depuis 1969, assurent collégialement la direction du pays : Lê Duân, premier secrétaire du parti des Travailleurs ; Truong Chinh, président du Comité permanent de l'Assemblée nationale ; Pham Van Dông, Premier ministre ; et le général Võ Nguyên Giáp, ministre de la Défense.
La République du Viêt Nam
Au lendemain des accords de Genève (20 juillet 1954), le chef du gouvernement de Saigon, Ngô Dinh Diêm, reprend en main le Sud Viêt Nam. En conflit avec Bao Dai, il organise un référendum, qui dépose l'empereur (octobre 1955) et lui permet de se proclamer chef d'État d'une République nationale du Viêt Nam (octobre 1955), qui se retire de l'Union française (1956). Une Assemblée constituante, élue le 4 mars 1956, adopte une Constitution, définitive le 7 juillet 1956, instaurant un régime autoritaire soutenu par les États-Unis. Avec l'aide de l'armée vietnamienne réorganisée sous la direction d'instructeurs américains, il liquide les sectes politico-religieuses (caodaïsme, Hoa Hao, Binh Xuyên) et tente de réinstaller 850 000 réfugiés qui ont fui le régime de Hô Chi Minh. Mais le nouveau régime rencontre de nombreuses difficultés, tant sur le plan économique que sur le plan politique, où se manifestent plusieurs oppositions : celle des nationalistes non communistes, hostiles soit à l'influence des États-Unis, soit au catholicisme et à l'autoritarisme de Ngô Dinh Diêm (coups d'État nationaliste et militaire des 11 novembre 1960 et 27 février 1962) ; celle des bouddhistes, qui prend un caractère de grande violence en 1963 ; celle, enfin, des communistes (Viêt-cong) et de leurs alliés, regroupés au sein du Front national de libération (identifié aux Viêt-cong), qui anime une guérilla particulièrement active dans le delta du Mékong et la péninsule de Ca Mau. Le 1er novembre 1963, un coup d'État militaire aboutit à la chute et à l'assassinat de Ngô Dinh Diêm. Dès lors, le pays est la proie d'une grave anarchie politique, et de très nombreux gouvernements se succèdent jusqu'en 1965, dominés surtout par les militaires. La période est également marquée par les luttes d'influence entre bouddhistes et catholiques. En juin 1965, un Conseil directeur national est formé sous la présidence du général Nguyên Van Thiêu, qui fait fonction de chef de l'État, le général Nguyên Cao Ky étant chef du gouvernement. La nouvelle équipe dirigeante rompt les relations diplomatiques avec la France, tente, sans succès, d'accroître la participation de l'armée sud-vietnamienne aux combats et essaie de lutter contre la corruption. Elle se heurte aux bouddhistes (avril-juin 1966), met en place des institutions parlementaires : élection d'une Assemblée constituante (septembre 1966), promulgation d'une Constitution (1er avril 1967). Nguyên Van Thiêu et Nguyên Cao Ky sont élus (3 septembre 1967) président et vice-président de la République. L'ouverture des pourparlers de Paris (mai 1968) contribue à la chute du chef du gouvernement, Nguyên Van Lôc, qui est remplacé par Trân Van Huong, et à la mise à l'écart de Ky. L'instabilité politique et la désagrégation économique et sociale ont amené la prise en charge progressive du pays par les Américains qui soutiennent ouvertement le général Thiêu.
De 1968 à 1971, le général Thiêu consolide progressivement son régime ; en 1969, il confie le gouvernement à son allié, le général Trân Thiên Khiêm. Dans le domaine social, en réponse à la politique de redistribution des terres du G.R.P. (gouvernement révolutionnaire provisoire, formé en 1969), le gouvernement sud-vietnamien lance, en 1970, un programme de réforme agraire visant avant tout à s'assurer le ralliement de la masse paysanne. Thiêu s'est imposé au président Nixon comme l'élément de stabilité indispensable pour mener à bien sa politique de vietnamisation. C'est donc fort de l'appui de Washington que, candidat unique, il est réélu, en septembre 1971, avec 94 % des suffrages exprimés. Mais l'offensive générale de 1972 consacre l'échec de la politique de vietnamisation. Thiêu est contraint d'assouplir sa politique dans la négociation. Il accepte donc la teneur des accords de Paris mais il en bloque par la suite l'application. Le conseil tripartite de réconciliation et de concorde chargé, sur les bases de l'article 11 des accords de Paris, d'organiser les élections nationales ne voit pas le jour. Le régime Thiêu poursuit une sévère répression contre la « troisième force », considérée comme capable de réaliser l'unité, et dont le G.R.P. ne cesse de rappeler l'existence. En fait la guerre, qui n'a pratiquement jamais cessé, reprend en mars 1975. Les forces saigonaises n'offrent guère de résistance et, très rapidement, la totalité des 1re et IIe régions militaires passe sous le contrôle du G.R.P.
Le 21 avril 1975, Nguyên Van Thiêu, acculé par l'avance foudroyante des troupes du G.R.P. et des unités nord-vietnamiennes, démissionne et quitte Saigon. Le 30 avril 1975, les troupes du G.R.P. entrent dans Saigon (guerre du Viêt Nam).
La difficile réunification
Dans les premières semaines de son installation, le nouveau pouvoir révolutionnaire apparaît ouvert aux espoirs d'une population exsangue et profondément meurtrie : faisant appel à l'union nationale, il s'efforce de multiplier les mesures d'apaisement. Sur le plan diplomatique, le G.R.P. négocie sa reconnaissance auprès de Paris, et il semble que les autorités aient envisagé, tout au moins dans une première étape, de ne pas précipiter ni d'imposer la réunification politique du pays. C'est ainsi que le Sud Viêt Nam demande officiellement son admission à l'O.N.U. (15 juillet) sous l'image apparente d'un pays non-aligné. Cette initiative se heurte à un veto américain (août), Washington s'opposant à l'entrée du Sud Viêt Nam au sein de l'O.N.U. si la Corée du Sud ne peut y siéger également.
Cependant une révolution culturelle s'instaure rapidement au Sud Viêt Nam, balayant l'héritage néocolonialiste : une littérature d'inspiration marxiste, de nouveaux manuels scolaires, font leur apparition « pour répondre à l'appel des lecteurs sud-vietnamiens », car « à temps nouveaux livres nouveaux ». La fonction publique est graduellement purgée et des milliers de fonctionnaires civils et militaires doivent rejoindre des camps de rééducation. Des incertitudes pèsent par ailleurs sur plusieurs centaines de milliers de Chinois et de Sino-Vietnamiens qui font l'objet de mesures coercitives de rejet ou d'assimilation. Le nombre des candidats à l'émigration, qui n'hésitent pas à s'embarquer clandestinement (boat people), s'accroît sans cesse.
Il est vrai que la situation sociale et économique dont héritent les communistes est catastrophique : il y a 3 millions de chômeurs, 1 million de soldats démobilisés qu'il faut nourrir, 5 millions de personnes déplacées à charge de leur famille (infirmes, orphelins, déclassés, réfugiés).
Le problème majeur qui se pose aux autorités est celui du redémarrage de l'économie et de l'ajustement de deux systèmes antagonistes : planification socialiste du Nord, longue inféodation au néocapitalisme au Sud. En outre, l'économie est marquée par un état de délabrement dû à la concussion, au marché noir chronique et aux expédients de toutes sortes. Le IIe plan quinquennal (1976-1980), correspondant à la planification de l'Europe de l'Est, s'avère difficilement réalisable. En janvier 1976, le pouvoir militaire laisse la place à une administration civile. En mars, un nouveau système judiciaire est mis en place : le Code pénal met désormais fin aux juridictions d'exception en vigueur depuis mai 1975. Le 25 avril 1976 a lieu l'élection de la première Assemblée nationale d'un Viêt Nam réunifié. Ses 492 députés (249 pour le Nord, 243 pour le Sud) sont élus par environ 25 millions d'électeurs. Au Sud, les listes du G.R.P. obtiennent les suffrages les plus importants. La nouvelle Assemblée, qui siège à Hanoi, la capitale, marque la première étape de la réunification de jure du pays, de l'adoption d'une Constitution et de l'instauration de la dictature du prolétariat. Le 2 juillet 1976, le Viêt Nam est officiellement réunifié et Hanoi proclame l'installation de la République socialiste sous la présidence suprême de Tôn Duc Thang, ancien président de la République démocratique (Nord Viêt Nam). Pham Van Dông est chef du gouvernement ; Nguyên Luong Bang et Nguyên Huu Tho vice-présidents ; Truong Chinh, président du Comité permanent de l'Assemblée ; et six « sudistes » sont au gouvernement.
Les lacunes de l'économie sont rapidement mises en lumière, et Lê Thanh Nghi, ministre du Plan, annonce en janvier 1977 la nécessité de procéder à d'importants transferts de population permettant de restructurer le travail : c'est ainsi que 1,2 million de Saigonais devront quitter la métropole pour s'installer dans les « nouvelles zones économiques » et que quelque 900 000 Vietnamiens du Nord devront trouver un emploi dans le Centre ou le Sud. Des contrats de coopération ou d'aide sont signés avec divers pays occidentaux, notamment avec la France (visite de Pham Van Dông en avril 1977).
Pourtant, à la fin de 1977, Hanoi admet que la situation économique est au seuil de la catastrophe. Des calamités naturelles ont affecté 30 % des cultures au nord (300 000 ha), tandis qu'au sud 25 % des terres n'ont pas été mises en culture faute de moyens techniques et humains.